A vrai dire, les Socotris et les Émiratis sont liés de longue date. Avant même la découverte du pétrole en 1958, des commerçants de l'émirat d'Adjmân se sont installés sur Soqotra, et ont entraîné un mouvement inverse, tel que maintenant 30% de la population de l'île vit dans cet émirat, le plus petit des Émirats Arabes Unis, fondés en 1971. La superficie d'Adjmân compte seulement 460 km2.
En 2011, la « Révolution yéménite » fait écho aux Printemps arabes : la population se soulève contre le président Ali Abdallah Saleh, réclamant réformes politiques et lutte contre la corruption.
Les Émiratis en profitent pour renforcer leur réseau de clientélisme sur Soqotra, accélérant leur main mise sur la politisation et la militarisation.
Lors des cyclones de 2015 et 2018, l'aide humanitaire du Croissant rouge émirati et de la Fondation Khalifa bin Zayed al Nahyan (Émir d'Abou Dhabi mort en 2022) permet la reconstruction des mosquées, de l'unique port qui est agrandi, et de l'aéroport, renforçant l'influence des E.A.U. déjà installés dans tous les ports du sud Yémen jusqu'à Mokha, au-delà d'Aden.
Les nationalistes yéménites considèrent l'aide humanitaire comme un "cheval de Troie", pour la main mise sur l'île.
Une mosquée à Hadibo
Au même moment, en 2015, la coalition, qui regroupe 5 pays arabes dont l'Arabie saoudite et les E.A.U., renforcée par le blocus maritime opéré par les USA et l'Égypte, soutenue par les services du Royaume-Uni, de la France et du Canada, cette coalition intervient au Yémen continental dans la guerre civile entre les « loyalistes » sunnites et les Houthis zaïdites (cf *) armés par l'Iran. La coalition déclenche, sans sourciller, un embargo responsable d'une fragmentation accrue de l'État et une famine meurtrière.
Malgré le blocus saoudien aérien et maritime, les répercussions sur Soqotra sont atténuées par les Émirats qui capitalisent sur l'aide humanitaire et sur leurs relations de clientélisme tissées avec le C.T.S., le Conseil de transition du sud, l'un des six « mouvements » qui se partagent le territoire du Yémen. Le C.T.S. qui a l'autorité sur les gouvernorats du sud-ouest, Aden, Ibb, Ad-Dali', Abyan, Chabwa et Socotra est un mouvement « gouvernemental pro-sécessionniste ».
Oui, il semble possible, sans contradiction, d'être à la fois loyaliste pro-gouvernemental, sécessionniste déclaré, et « client » des E.A.U. !
Six "forces" concurrentes se partagent le territoire du Yémen. En rose : les Loyalistes du gouvernement. En vert : les Houthis. En jaune-vert : le C.T.S., Conseil de transition du sud. En orangé : les Forces d'élite hadhramies. En violet : la Résistance nationale. En blanc : les Djihadistes d'Ansâr al-Chari'a ( أنصار الشريعة ).
حوثی
En français, Houthi devrait se transcrire et se prononcer Housi. Selon un usage répandu, regrettable pour nous, le mot est transcrit à l'anglaise. Le « th » devrait donc se prononcer à l'anglaise.
*Les zaïdites sont adeptes de l'une des trois principales branches du chiisme, enseignée par Zaïd ibn Ali, fils du 4ème imam et petit-fils d'Hussein. Le prénom du fils et successeur de Zaïd, Yahya ben Zaïd, est porté à Soqotra, probablement sans connotation chiite marquée.
Les zaïdites croient au libre arbitre absolu et au châtiment éternel.
Outre le zaïdisme des Houthis, les deux autres branches de la religion chiite sont l'ismaélisme, dont l'imam est l'Aga Khan, et le chiisme duodécimin majoritaire en Iran.
Le C.T.S. renforce ainsi sa présence sur Soqotra depuis 2020, permettant aux Émiratis le contrôle indirect de l'île : les salaires des fonctionnaires (écoles et hôpitaux), comme les projets d'infrastructures (quais portuaires) sont financés par les Émirats, les gardes-côtes ont prêté allégeance au CTS, une base militaire émiratie est établie sur l'île, les vols hebdomadaires la relient à Abou Dhabi mieux qu'au Yémen, les liaisons téléphoniques bénéficient du réseau émirati et non de celui du Yémen. Pour finir, les drapeaux des E.A.U. éclipsent ceux du C.T.S.
Checkpoint et drapeau aux couleurs du C.T.S.
Les militaires en uniformes qui tiennent les checkpoints nous ont souvent semblé être à peine adolescents.
Le gouvernement du Yémen proteste en vain, la Yemen News Agency s'élève contre cette « annexion de facto ».
Drapeau du Yémen
Merci de ces informations !
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