8 - Le Dragonnier

Nous allons découvrir, l'un après l'autre en chapitres séparés, les "big five", les cinq gros arbres qui règnent sur Soqotra, et en premier lieu celui qui est l'emblème universel de l'île, jusque sur les plaques d'immatriculation.

 

LE DRAGONNIER

 

 

Le dragonnier de Soqotra, Dracaena cinnabari, peut mesurer jusqu'à 12 mètres. 

 

Le dragonnier idéal

Ses branches épaisses, denses et noueuses s'évasent en parasol et portent un feuillage persistant qui ne se développe qu'à l'extrémité des branches les plus jeunes. Les feuilles sont tournées vers le ciel pour recueillir la condensation des brumes des hauts plateaux de l'intérieur.

 

 

L'espèce est ainsi parfaitement adaptée aux conditions arides dans lesquelles elle vit. 

Le tronc et les branches ne sont pas faits, à proprement parlé, de bois, mais d'une matière spongieuse tombant en poussière quand l'arbre meurt.

 

 

Comme les autres dragonniers, celui de Soqotra se distingue par la résine d'un rouge cramoisi qu'il produit, le « sang-dragon ». En langage populaire, c'est "l'arbre à sang de dragon".

En arabe, la résine sang-dragon est appelé « sang des deux frères » ! Voilà les Dioscures !

La récolte réglementée de cette résine légendaire, se fait par incision une ou deux fois par an.

Légendaire, elle l'est depuis l'Antiquité quand les gladiateurs s'en enduisaient le corps avant les combats dans l'arène. 

 

 

En médecine traditionnelle elle s'emploie pour ses propriétés anti-bactériennes et anti-inflammatoire, et, diluée, elle serait bue avec profit après un accouchement.

De nos jours, des scientifiques saoudiens (Mothana et al., 2022) ont isolé et identifié plusieurs composés chimiques de la résine rouge de l'arbre à sang-dragon de Socotra, qui semblent avoir un effet antiviral (contre l'hépatite B).

 

Un rare tronc multiple

Le "sang-dragon" était un composant du vernis des violons Stradivarius, au XVIIème siècle. Elle est plus simplement employée comme colorant en poterie ou comme vernis à ongles.

 

Crédit CC-JB

 Le dragonnier fleurit !

 

 

 

Un habitant témoigne : « L'arbre est la chose la plus importante de l'île. Il fait partie de nous »

Le sur-pâturage, par les chèvres, constitue une menace majeure. Il est devenu difficile pour les jeunes plants de se développer, « il y a des chèvres partout, qui mangent les jeunes pousses sans leur laisser une chance ». Pour y remédier, des espaces interdits aux chèvres sont maintenant délimités.

 

Les cyclones, qui en ont déraciné des milliers, ont aussi une responsabilité. La population des arbres a commencé à se fragmenter.

Or cet arbre pousse très lentement, il lui faut environ dix ans pour grandir d'un mètre et cent ans pour atteindre la maturité (cf. TAYF 2023).

On prétend que le dragonnier pourrait atteindre 1000 ans. Nous en avons vu qui auraient 500 ans.

Le dragonnier, qui est disséminé dans la montagne, constitue par contre une vraie forêt sur le plateau.

Crédit CC-JB

Crédit CC-JB

Attention, il existe un autre arbre très toxique qui, de loin, peut être confondu avec le dragonnier.

De près, il a un tronc plus lisse et plus clair, des "feuilles" charnues très différentes. C'est :

 

EUPHORBIA ARBUSCULA

 

Il suffit de heurter légèrement le tronc avec un gravillon pour faire suinter ce latex blanc toxique, qui brûle la peau, et provoque diarrhée et cécité !

Néanmoins, ce latex est utilisé pour pêcher.

 

C'est là aussi une plante endémique de Socotra.

 

 Merci à François Bertaux et Maria Paquet qui ont su l'identifier.