Loin de tout, « hors du monde », Soqotra, la plus grande île du Yémen, est située en mer d'Arabie, au nord-ouest de l'Océan indien, à 230 km de la Corne de l'Afrique, à 350 km de la côte yéménite.
Longue de 130 km, large de 40 km, elle s'étend sur 3580 km2, à peine supérieure à la moitié du Finistère.
Avec un sommet qui surgit de la mer à 1525 mètres, comparé aux 384 mètres du Roc'h Trevezel, l'île est une montagne dans l'eau.
Pour parfaire la comparaison, l'île est peuplée de 45.000 habitants, le Finistère de 920.000, soit dix fois plus au kilomètre carré.
Soqotra donne son nom à un archipel qui regroupe trois autres petites îles dont deux sont habitées, l'une par 150 îliens, l'autre par 400 îliens comme l'île de Batz !
Située à mi-distance entre l'équateur et le tropique du Cancer, le climat y est tropical semi-aride.
A priori, c'est plutôt sympathique, non ? Eh bien, non ! Du moins, pas en permanence :
« Hors du monde » Soqotra, ne l'est pas seulement par l'éloignement, elle l'est surtout par le fléau des moussons.
- La mousson d'hiver, de novembre à mars, inflige des pluies torrentielles et ravageuses.
Le 1er novembre 2015, le cyclone Chapala provoque des inondations et de sérieux dégâts sur le nord de l'île, détruisant 237 maisons, toute la production agricole, et les embarcations de milliers de pêcheurs. 1600 familles doivent recevoir une aide urgente du HCR.
Pour enfoncer le clou, à peine huit jours plus tard, le cyclone Megh, de catégorie 3 (sur 4), impacte alors l'île de plein fouet, tuant deux habitants sur l'île elle-même. 18.000 personnes sont déplacées. Neuf bateaux de pêche sont portés disparus en mer.
Le cyclone Megh, centré sur Socotra.
Nous y débarquerons en mars ! Fin de la période des moussons... Finies, vraiment ? Que ce soit oui ou non, la végétation aura été bien arrosée. L'arbre-bouteille pourra fleurir.
- Pas plus sympathique, la « mousson des vents », de mai à septembre, expose à des vents secs et violents, et des tempêtes de sable qui interdisent l'accès maritime et perturbent sérieusement les vols aériens. En théorie, nous serons partis, sinon nous y resterons cinq mois de plus, avec pour seul régime viande de chèvre, dattes et concombres...
Épave en cours de démantèlement sur la côte nord.
La mousson des vents n'est pas une partie de plaisir : en mai 2018, le cyclone Mekunu a tué 20 personnes. De fortes précipitations inhabituelles provoquant des inondations ont paralysé la plupart des communications de l'île et détruit les routes. Les glissements de terrain ont emporté des milliers d'animaux, endommagé les puits, laissant les habitants sans eau potable, fait chavirer 120 bateaux de pêche, détruit plus de 500 filets.
Avant la création de l'aéroport en 1999, du port en 2015, l'île, qui n'offrait aucun abri naturel, était ainsi coupée du monde six mois sur 12, balayée par des vents qui interdisaient la navigation maritime.
Unique port de l'île : Hawlaf, sur la côte nord.
Il faut y voir un atout : l'éloignement et l'isolement ont favorisé la préservation d'une faune et d'une flore endémiques séculaires, faisant de Soqotra une "île fossile". Ainsi les dragonniers sont-ils considérés comme vieux de plusieurs millions d'années. Le chapitre botanique sera le plus riche de tous, mais il vous faudra attendre les photos.
Malheureusement ce joyau est menacé du fait de sa position au milieu des voies navigables commerciales issues du hub maritime de Dubaï, entre Golfe persique et mer Rouge.
Avant la guerre à Gaza, 25.000 navires transitaient chaque année en mer d'Arabie pour atteindre le canal de Suez.
L'île se trouve également sur les voies maritimes issues du port pakistanais de Gwadar, tremplin programmé pour l'expansion chinoise vers l'Afrique de l'est et Djibouti.
A l'extrémité orientale de l'île, les eaux de la mer d'Arabie rencontrent celles de l'Océan Indien. Y sont érigés ces os de baleine.
L'initiative chinoise « Ceinture et Route » est une stratégie mondiale de développement des infrastructures, adoptée par le gouvernement de Xi Jinping en 2013, pour investir dans plus de 150 pays et organisations internationales. Les routes maritimes indo-pacifiques relient les ports promis à un développement forcé.
Soqotra, seule île importante dans la zone, est tout aussi menacée par sa localisation géostratégique qui en fait une plaque tournante pour la logistique et la défense militaires.
Les actes de piraterie des milices somaliennes ont poussé les grandes puissances à militariser la zone.
La guerre civile qui laisse le Yémen démuni, a ouvert la porte à une annexion de facto par les Émirats, sans réaction de la communauté internationale, satisfaite de leur rôle de gendarme vis-à-vis de la rébellion Ansârollâh des Houthis.
Il faut
ajouter à ces menaces un potentiel touristique prometteur, stimulé par la liaison aérienne bihebdomadaire depuis Abu Dhabi, et par les infrastructures financées par les Émirats.
Il y a encore ces extraordinaires dunes que la mousson des vents force à monter à l'assaut des falaises.
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